mercredi 12 décembre 2012

La toile

Je m'assied et j'observe cette psychédélique et surréaliste toile qu'est la vie. Des êtres de paix, de joie et de bonté, côtoyant la noirceur, l'horreur et le malheur. Comme image de fond, une nature incertaine, tantôt grise, tantôt d'un vert mordant, brulant presque la rétine de son intensité. Au centre, une femme nue, maigre, trop maigre aux yeux bandées, tenant dans ses frêles bras un enfant encore naïf. La guerre autour d'eux, la mort, la haine et cette faible lumière émergeant de leurs poitrines, berceau du bien et de son contraire. Plus on daigne s'approcher de la toile, plus il est difficile de distinguer la figuration du bon et du mauvais. Les traits les composant se mélangeant, fusionnant jusqu’à ne former qu'une seule masse de couleurs ignobles, ne pouvant appartenir qu'a une croûte. La femme sous son bandage pleure, l'enfant dors bien blottis dans ses bras. Ils vivent tous deux la scène, impuissants, ne pouvant choisir de camp, subissant, attendant une mort certaine. Ce semblant de vie, œuvre éphémère, comme tatouée sur une peau tout aussi périssable que son auteur, que son sujet, s'embrouillant, s'enlaidissant avec la vieillesse.
Assise bien mal sur un petit tabouret bancal, je suis témoin de cette scène, se dévoilant uniquement à ceux qui aurons le courage et la patience de l'affronter. Encadrée d'or, de fioritures, de diamants, de rubans, de paillettes et de parfums. Ce cadre ridicule, ne pouvant correspondre mieux à son contenu artificiel et dramatique. Son parfum musqué de roses et d,agrumes se mélangeant allègrement à cette chimique effluve d'huile et de diluant, essence même de l'oeuvre.
Cette toile brillant de milles feux, terne dans son sujet, nous projette vers un obscur avenir, ou plutôt son absence. Énorme pour l'homme, encore trop petit pour l'humanité. Si fragile, on aura utilisé la soie la plus fine pour capter l'essence de son absurde sujet.
Le ciel si bleu, gris, rose, orangé. La pluie, la neige, la grêle. Tout y est, le passé flou, le présent inactif, le futur qui ne demande qu'a être intégré.

La femme sanglote toujours, l'enfant dors paisiblement, les bombes explosent autour d'eux, personne ne bouge. Le temps s'est figé d'un maladroit coup de pinceau de l'artiste inconnu. La nature essaie de prendre le dessus, le ciel surplombe la scène, la faune en besoin de reproduction, idem pour la flore.

Et moi qui es toujours là, assise sur ce trop ferme tabouret, au cœur de cette grande pièce blanche, seule témoin de cette toile immonde et fascinante qui se dévoile sous mes yeux.

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